Wednesday 20 January 2016

1. Naissance d'un Artiste

PEDRO TROYAS
Peintre du HAUT VALLESPIR




Après une carrière de pâtissier-chocolatier à Paris, qui lui laissait peu de loisirs, Pedro Troyas décida, en 2003, de quitter la capitale pour venir s'installer dans un village du Haut Vallespir, en bordure du Tech; séduit par la paix, le bon air et la proximité avec la nature.

Profitant des sorties du club de randonnées, il découvrit le paysage: ses torrents, ses arbres sa flore et sa faune, qu'il transposa ensuite dans ses premières toiles.

Pour occuper ses longues soirées d’hiver — passées sans télévision; en écoutant des cassettes de musique classique, ou en chantant — il s'essaya (se risqua) à la peinture ('pour m'occuper…'); laissant son imagination le guider, libre de toutes conventions académiques ou esthétiques.

Si les visites des musées Parisiens, en famille — pendant les quelques loisirs que lui laissait sa vie professionnelle — ont indéniablement aiguisée sa sensibilité, elles n'ont pas imposées des conventions stylistiques sur sa peinture.

Lorsqu'on lui demande quels artistes l'on marqué, il cite les oeuvres de Géricault (Le Radeau de la Méduse), Delacroix (Les Femmes d’Alger), Chardin et autres (dont il a oublié les noms), vues au Louvre, et l'incontournable Picasso dont son frère peignait des reproductions.
Une fois installé dans la région, il acheta des toiles et des couleurs (de la peinture à l’huile) dans un magasin de la vallée, et commença à peindre des scènes inspirées par le paysage de montagne, ses forêts, les nuages bas qui passent à travers les arbres, le travail à la ferme; mais aussi par des expériences personnelles transposées en scènes de rêves ou d'allégories.

Une toile de cette première période révèle une approche originale et résolue, généreuse mais pas naive; comme on pourrait le supposer à première vue; ni 'hors culture', comme pourraient le suggérer, les partisans d'un art 'acculturé', inscrit dans une histoire de l'art conventionnelle, aux valeurs culturelles arbitraires et étriquées; qui ne reconnaissent les avant-garde que lorsqu'elles ont été filtrée et incorporées dans le 'main stream'!

A situer le travail de Troyas 'en dehors de la culture et de l'histoire de l'art', on risque de rejeter ces mêmes éléments en lesquels Jean Dubuffet voyait un antidote à l''asphyxiante culture', de l'art officiel.

Si l'approche de Troyas ne saurait être assimilée à celle des peintres du dimanche ou des naifs, elle ne peux en aucun cas être située 'en dehors de la culture' — en dehors de la culture officielle, reconnu, conformiste, peut-être — mais pas extérieure à la Culture.

Son art qui jaillit des profondeurs de son être et de son expérience de la vie — riche et variée, —semblable au discours d'un medium (on reconnait ici l'inspiration' théorisée par l'histoire de l'art traditionelle) — menace les arts officiels qui perpétuent le mythe de l' artiste maitre de ses moyens et de son style, et conscient (et respectueux) des valeurs de son milieu et de son groupe socio-culturel, et oeuvrant en harmonie avec (ou 'contre' ; ce qui revient au même) une histoire de l'art convenue; se situant 'en marche' dans un espace-temps rigoureusement cartographié et policé par les institutions de l'Art officiel.

A  la différence des artistes académiques formés aux Beaux Arts, et des adeptes de l'Art Brut, Troyas ne s'en tient pas à un seul style, qu'il déclinerait mécaniquement, indépendamment des sujets, mais développe ses moyens picturaux à partir de ses relations avec le sujet qu'il exprime. Si, parfois ses moyens lui échappent (preuve des risques pris); ce caractère aléatoire dénote une créativité et une originalité résolument non-conformiste qui réconcilient la formule de Montaigne: 'Je suis moi-même la matière de mon livre', avec celle de Buffon: 'Le Style, c'est l'homme'; à quoi il convient d'ajouter la Culture: 



Cette toile* représente une tête humaine — un masque? — flanquée de quatre silhouettes de seins roses, et entourée de minuscules oiseaux symétriquement perchés sur deux fragiles rameaux, sur lesquels reposent des nids, symboles du cycle des saisons. Thème récurent dans ses premiers paysages. La composition, à forte symétrie, est peinte selon un hiératisme qui rappelle plus l’Art Brut que les styles répertoriés par l'histoire de l'art, et moins encore les pratiques superficielles des peintres amateurs. Car ce qui frappe ici c'est le sérieux, la profondeur et l'ambiguité du contenu, traité avec ce que Francis Ponge nommait 'une très grande justesse de l'expression'. 

Une deuxième toile cette périod — peinte en rébus — représente un accident de cheval, dont il avait été témoin, dans un manège, en région Parisienne:

(Image à venir)

 Une troisième toile*  montre deux hommes enchainés par le cou:



Ce qui frappe dans ces trois tableaux, peint il y a une douzaine d'années, et qui marquent l'entrée de Troyas 'en peinture', c'est la variété des sujets, l’originalité de sa vision, et une capacité à trouver, sans référence directe au monde de l'art officiel, des moyens appropriés extrêment variés pour les exprimer.

Doit-on parler à son sujet d'Art Brut, ou convient-il  plutôt d' évoquer un 'Art Autre'?

La spontanéité des lignes qui dialoguent avec la matérialité des couleurs, selon des harmonies non convenues, caractérisent ces toiles nées dans les marges de la peinture savante et reconnue.

Ce que cet art nous apporte est une vision authentique et honnête de la peinture et de l'existence, intimement liée à la conception généreuse et non matérialiste de la vie, et de la philosophie qu'elle exprime, sans prétentions.

'Le Style c'est l'homme'…
Loin de s’en tenir à un style unique, Troyas passe d’une forme d’expression à une autre; sans savoir au préalable où le conduiront son intuition et son imagination; ni sans chercher à prévoir ni anticiper les formes sous lesquelles elles se manifesteront. Chez lui, le style jaillit dans l'acte même de cerner — de donner forme et vie à — ses sujets.

Ces ‘styles’ ou 'manières' peuvent se manifester le temps de quelques toiles — cinq ou six pour sa série blanche — ou se décliner sur plusieurs mois.

Une même série peut, comme dans le cas de ses natures mortes, donner lieu à une variété de styles qui alternent dans une parfaite synchronicité.
Le paysage — avec ou sans figures — a longtemps été son sujet de prédilection; ici dans une version très épurée, plus tardive, qui fait écho au Talisman de Sérusier*:


ainsi que les bouquets de fleurs*:


entrecoupés de scènes ou de motifs allégoriques.

Ici bouquet et paysage se juxtaposent dans une célébration de la nature*:



(Bon nombre de ces toiles sont aujourd'hui disséminées aux quatres coins de l'Europe, et jusqu'en Inde. Deux partiront bientôt aux Etats Unis).

Au delà de leur réalisme poétique, la plupart des peintures de Troyas comportent aussi une dimension allégorique; car les choses représentées ne le sont pas littéralement. Les objets nous reconduisent vers autre chose…

Chez lui les objets existent comme entités physiques et, en même temps, comme allusions symboliques.


Natures Mortes

La série de nature-mortes, commencée en 2015 a ouvert à Troyas de nouveaux horizons picturaux.

Dans ces compositions, selon une logique poétique de la métamorphose, des vases se transforment en figures:


Composition aux cruches, 2015*

























que l'artiste transporte, parfois, dans un paysage*:


Ailleurs, la nature — sous forme de bouquet — devient toile de fond (redevient paysage?) et, en collusion avec le vase, donne lieu à des fantasmagories qui sont aussi célébration d'une nature édénique et de la vie: 'chant du monde':


Au-delà des genres, les sujets de Troyas sont la vie, incontrovertible, et l’humain; tels qu’ils se manifestent dans un riche foisonnement d’énergie vitale; aspiration à un état paradisiaque.

Sur le plan stylistique ce foisonnement, visible dans le tableau ci-dessus, co-existe avec des toiles épurées, voire minimalistes, comme dans certaines nature-mortes récentes (fin 2015-2016), plus austères; dans lesquelles le peintre met en scène l'humain à travers des objets céramiques imaginaires qu'il humanise.

Selon des modes hiératiques qui invitent un regard méditatifs*:


ou festifs; dans un esprit de carnaval:*

Nature Morte aux Vases, 2015





























La vitalité de ces peintures exprime un amour généreux de la vie et de la nature, qui s'expriment par des actes spontanés, et jamais 'donnés d'avance'; justifiant ainsi, plus modestement, l'expression de Picasso: 'Je ne cherche pas, je trouve…'


Un Jour, une Rencontre…
La rencontre en 2010 et l’amitié qui a suivi, avec un artiste domicilié au Royaume Uni, ont encouragé Pedro Troyas à déveloper son talent de peintre avec une plus grande confiance, en explorant d’autres sujets.
Cet ami connecté avec le monde des arts (et sans préconceptions sur ce qui constitue ou non de l'Art) lui a permis de trouver, enfin, un public et un cercle d’amateurs: local, mais surtout international, grace aux réseaux sociaux; sans que le village ne se doute de rien…
Au cours des trois dernières années ses toiles sont parties en Allemagne, au Royaume uni, en Belgique et en Inde, et quelques unes en France (mais cela commence à changer). 
En 2016, année de son quatre-vingtième anniversaire, le travail de Troyas — presque totalement inconnu (à part de quelques rares amateurs qui apprécient son travail) dans la région qu’il a fait sienne et qui l’a inspiré — a été présenté pour la première fois dans un lieu public — La Maison des Arts, au Barcarès, qui lui a consacré sa première exposition personelle: 'Natures Vives', présentée par Gérard Mermoz.
Il n'est trop tôt que son travail puisse, enfin, être présenté, vu et apprécié par le public de la région et par les amateurs de peinture; afin de récompenser à sa juste mesure cet artiste modeste et généreux, dont le travail et l'imagination montrent que la figuration et la peinture se portent bien, et que la tradition artistique de la région vit aussi à travers son oeuvre humaniste marginale, dans une indifférence peu méritée.
Gérard Mermoz
gerardmermoz@hotmail.com

00447817 289 451

1 comment:

  1. Je viens de relire le passage "Naissance d'un artiste"et j'ai bien aimé les précisions que tu apportes à la démarche de Pédro.La formule de Montaigne résume bien ce à quoi il carbure.Le réel est, pour Pedro, le point de départ d'une digression sans retour.Il a le don de la légèreté et de l'a propos.C'est un poète.
    La poésie cohabite mal avec notre époque .La parole du galeriste est violente mais elle n'engage que lui et ses certitudes péremptoires.Au fond, ce n'est pas ton problème;d'autres ont apprécié le travail de Pedro et c'est ce qui compte.Pour preuves,la reconnaissance du travail de Pedro dans le cercle de tes proches et l'exposition au Barcares.

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